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Ismène.

Je tremble ! il ne vient pas ! Qui, madame ?

Hermance.

Je tremble ! il ne vient pas ! Qui, madame ?Celui
Pour qui mon cœur palpite et soupire d’ennui.

Ismène.

Peut-être que, lié par d’exigeantes chaînes
Et retenu trop tard au sein de ses domaines,
Elfrid n’a pu venir adorer vos appas.

Hermance.

Je redoute plutôt qu’un funeste trépas…

Ismène.

De noirs pressentiments pourquoi troubler votre âme ?

Hermance.

Hélas ! que ne craint point une timide flamme !
Peut-être qu’emporté par ses coursiers fougueux
Je vais le voir venir tout sanglant à mes yeux ?
Peut-être qu’en ses jeux son audace invincible
Aura voulu forcer quelque lion terrible ?
Peut-être des rivaux, de sa gloire jaloux,
Ont assouvi sur lui leur indigne courroux ?
Car tu sais comme moi que son âme bouillante
Aime d’un char léger la pompe étincelante,
Et qu’allant au péril demander des plaisirs
Il n’est jamais rapide au gré de ses désirs !
Mais d’un père expirant l’image vénérable
Accuse mon amour et le rendrait coupable.

Ismène.

Quoi ! d’un cœur délicat le tendre emportement
Veut au père, en ce jour, sacrifier l’amant !
Mais d’un scrupule vain pourquoi troubler votre âme ?
La piété doit-elle éteindre votre flamme ?
D’une amoureuse ardeur le transport innocent
Jamais n’a pu briser les doux liens du sang,