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Madame, et mon esprit, par la crainte agité,
Cherchait dans la nature un repos souhaité.

Hermance.

Du repos, chère Ismène ? hélas ! ma destinée,
Aux soucis dévorants aujourd’hui condamnée,
En vain le redemande à l’aurore, à la nuit,
Au calme des forêts, au sommeil qui me fuit.
Entre deux sentiments mon âme partagée
Succombe sous le poids dont le ciel l’a chargée.

Ismène.

Vous ! madame ? des pleurs ont roulé dans vos yeux ?
Vous, fille de Gonnor, vous, maîtresse en ces lieux ?

Hermance.

Gonnor ! à ce nom seul je tremble, chère Ismène ;
Cruelle avec bonté tu réveilles ma peine,
Hélas ! puisque celui qui m’a donné le jour
Va peut-être bientôt manquer à mon amour !
T’a-t-on dit ?

Ismène.

T’a-t-on dit ? Reprenez, madame, l’espérance ;
Jenner de le sauver m’a donné l’assurance.

Hermance.

Que les dieux soient loués !… Mais dis-moi sans retard
Quel espace Phébus a franchi sur son char ?

Ismène.

Au sommet de la tour dix fois l’airain sonore
A résonné depuis le lever de l’aurore.

Hermance. (Elle va à la fenêtre et soupire.)

Que le temps semble long, quand, le cœur déchiré,
On attend le retour d’un amant adoré !
Aussi loin que mes yeux plongent dans l’étendue
Nul poudreux tourbillon ne se lève à ma vue ;
Je tremble ! il ne vient pas !