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J’ai tenté les secours que prescrit la science ;
Des funestes humeurs j’ai banni l’influence,
Avec le sel mordant qui chasse, en flots confus,
Par des sentiers divers d’immondes résidus ;
J’ai moi-même arrondi, procédant par mesure,
En globules légers l’essence la plus pure ;
Armé d’un dard prudent, j’ai, pour calmer son mal,
De sa veine gonflée ouvert Le noir canal ;
Sur son bras amaigri, la mouche de Cythère
Étala tous les feux de son âcre poussière,
Et sur ses pieds glacés j’ordonne en ce moment
La graine corrosive, odieux aliment
Qui du vil débauché caressant la mollesse
Des organes usés réveille la paresse,
Et qui porte à la fois, funeste et respecté,
Aux libertins la mort, aux mourants la santé.
Il est temps, en effet, qu’Esculape m’inspire.
Déjà de son cerveau s’empare le délire ;
En son égarement ce guerrier malheureux
Prodigue à ses coussins des baisers furieux,
Et des mots de l’amour empruntant le langage,
Sans souci de son nom, sans respect pour son âge,
Il semble dans ses bras étreindre un être aimé.
Il soupire ! il rugit ! son regard enflammé
À l’entour de son lit promène un feu lubrique,
Et, soulevant d’un bras sa nocturne tunique,
De l’autre il fait sur lui des gestes indécents
Qui font monter la honte à nos fronts rougissants.
Triste objet de pitié pour quiconque l’honore,
En ses transports fougueux la fièvre le dévore.
Cet endroit qui du corps est la base et l’appui
En fétides lambeaux se détache sous lui,
Symptôme trop certain d’un trépas qui s’avance !
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De le sauver pourtant je garde l’espérance ;
Mes amours sont liés au destin de Gonnor :
Et que ne peut l’amour, même contre la mort !
Car pour les yeux si beaux de sa fille chérie
Cent fois s’il le fallait je donnerais ma vie !
Mais, pâle et tout tremblant à son charmant aspect,
Je voile mon ardeur d’un timide respect ;
Jamais je n’oserai, lui découvrant ma flamme,
Étaler à ses yeux les langueurs de mon âme ;
Dans sa pure vertu, cette jeune beauté
Semble sur son autel une divinité !
Eh ! d’ailleurs, ô Jenner, que pourrait ton audace