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Ils courent le monde depuis longtemps à la recherche de Pierrot et ils viennent d’apprendre sa nouvelle fortune. — Stupéfaction de ces deux honnêtes bourgeois, qui en croient à peine leurs yeux.

Le Père s’avance jusque sur les marches du trône et adresse à Pierrot une semonce violente sur son immoralité. — Pierrot envoie promener l’auteur de ses jours d’une façon dégagée. — Le bruit redouble dans le harem. — Le Père outragé prend un ton pathétique ; — il lui rappelle ses devoirs filiaux, sa mère, son titre de bachelier, et du doigt même lui montre le ciel. — Mais Pierrot répond qu’il est le maître.

Le Magister s’interpose. — Gravité de ce monsieur. — Pierrot lui fait des cornes. — Puis il ordonne à un eunuque d’aller lui chercher des musiciens. — Le calme se rétablit parmi les odalisques effarouchées.


Scène V.

Entrent les musiciens de l’orchestre dans le costume où ils seront venus ce jour-là au théâtre. (On désire qu’ils soient le plus crottés possible.)

Aussitôt ils entament un cancan. — Les femmes dansent et font des tentatives pour engager les deux bourgeois à danser. — D’abord ils s’y refusent ; — mais Pierrot s’avance et, après avoir fait un pas seul, au grand scandale de son papa, il force, sous peine de mort, le Maître de pension à pincer aussi un léger cancan. — Contorsions de ce dernier. — Une odalisque lui indique les poses les plus gracieuses ; — un eunuque lui façonne les articulations à coups de plat de sabre. — Il danse, son livre sous le bras et son parapluie sous l’autre, aussi gracieux qu’il le peut, mais roulant des yeux furibonds du côté de Pierrot, qui se tient le ventre de rire. — Le Père cependant est emporté dans un galop général. — Au cancan succède l’air de la polka et cette danse folâtre.

Après quoi, Pierrot renvoie les deux vieillards à grands coups de pied dans le cul. — Ils le maudissent dans une pose solennelle. — Pierrot leur fait un pied de nez.


ACTE VI.

Dans l’intérieur du harem, les appartements secrets et voluptuaires.

Scène première.

Des femmes décolletées et les cheveux pendants, fumant des brûle-gueules et des cigarettes, sont étendues sur des coussins et