Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, III.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le bocal se casse. — Les Arabes examinent Colombine et la caressent de fort près. — Pierrot, exaspéré, veut se ruer contre eux ; — on lui donne un coup de lance sur la tête ; — il tombe évanoui. — Les Arabes s’en vont, emportant Colombine.


Scène III.

Pierrot reste évanoui. — La solitude est effrayante. — On voit alors (pour bien indiquer que l’on est dans le désert) passer silencieusement, au fond du théâtre, d’abord : un ours blanc qui marche très lentement ; — ensuite une autruche, une patte en l’air, et glissant très vite, sur des roulettes ; — puis un serpent fort long, ondulant, gueule ouverte, trois dards. — Pierrot reprend ses esprits quand Îles animaux ont eu le temps de passer ; — il se tâte les membres. — Il semble chercher Colombine ; — mais tout à coup il se rappelle son malheur et s’arrache les cheveux. — Paroxysme de désespoir épouvantable. — Après le désespoir, réaction douce ; — il se laisse retomber dans une pose accablée. — Il aperçoit par hasard une prune, il la prend puis la rejette et s’arrache de nouveau les cheveux. — Cependant il regarde la prune. — Lutte de sa conscience. — Mais il se relève désespéré et veut en finir avec la vie. — Dans un mouvement brusque, il empoigne à la fois toutes les prunes et les avale, en même temps qu’il envoie une multitude de baisers du côté où Colombine a disparu. — Il essaie ensuite de s’étrangler avec sa cravate ; — cela lui fait mal, il s’arrête. — Il tire son couteau, entame son habit ; — puis referme son couteau et le remet dans sa poche. — Enfin une meilleure idée lui survenant, il se frappe le front. — Des deux mains à la fois il se tire le coton des oreilles ; — il en sort considérablement, et toujours, et toujours. — Il bat le briquet, le coton s’allume. — Explosion subite. — Pierrot tombe.


Scène IV.

Bruits de tambours, de trompettes, de grosses caisses, fanfares. — Marche turque. — Un bataillon de Turcs s’avance, très en rang, marquant le pas et emboîtant. — Ils ont des pantalons de calicot blanc passés dans leurs bottes noires, des vestes retournées à l’envers, des sabres de papier doré, des moustaches excessivement longues, dont les pointes doivent monter jusqu’au turban. — Air des plus farouches, ils roulent des yeux. — En apercevant Pierrot étendu, ils s’arrêtent ; — puis le ramassent. — La musique reprend. — Défilé. — On marque le pas.