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perdait ; à mesure que tombaient les barrières qui l’avaient entouré, sa vue découvrait des horizons nouveaux. Également écarté du savant qui s’arrête à l’observation du fait et du rhéteur qui ne songe qu’à l’embellir, il y avait pour lui un sentiment dans les choses mêmes, et les passions humaines suivaient en se développant des paraboles mathématiques. Quant à ses passions à lui, il les réduisait à des formules afin d’y voir plus clair, tandis que ses idées semblaient venir de son cœur, tant elles avaient de chaleur et d’audace.

Il porta dans les arts l’habitude, qu’il avait contractée dans l’étude du monde et insensiblement dans l’analyse de lui-même, de parodier ce qui lui plaisait davantage, de ravaler ce qu’il aimait le mieux, abaissant toutes les grandeurs et dénigrant toutes les beautés, pour voir si elles se relèveront ensuite dans leur grandeur et leur beauté première ; quelquefois même il niait complètement une œuvre afin de la mieux regarder sous un autre aspect. Mais de même que le velours en lambeau est plus beau que de la toile neuve, et qu’un bonnet de papier sur la tête de l’Apollon ne la dégrade pas, la parodie ne peut rien détruire de ce qui est indestructible, son couteau se casse contre les marbres impérissables, elle embellit plutôt ce qui est beau en lui comparant ce qui est laid ; la gloire, pour être complète, a donc besoin d’être outragée ; médiocre, en effet, serait pour moi le triomphe où il n’y aurait pas d’insulteurs. N’est-ce pas dans ce même besoin que nous recherchons les diatribes de ceux qui nous sont chers et les caricatures de ceux que l’on admire, et que nous prenons plaisir à entendre médire de nous-mêmes afin de pouvoir de suite nous aduler davantage ?

Il plaignait l’admiration des gens faibles, qui s’effraient de l’ironie ; et combien elle a peu de forces en elle-même, celle qui s’en trouve diminuée !

Il avait entendu dire que l’époque moderne étant