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Catherine, riant. — Eh bien ? et l’autre ? est-ce qu’il venait chercher madame ?

Le père Renaud ne répond pas.

Catherine. — Dites donc, ça vous fait-il bien de la peine que madame s’en aille ?

Le père Renaud, l’embrassant. — Tu sais bien que non, petite gueuse ! que je t’aime bien mieux qu’elle !

Catherine, lui prenant la tête par les deux oreilles et le regardant en face. — Bonnement ? Vous devriez bien alors me donner ce que vous m’avez promis, hein ?

Le père Renaud. — Quoi donc ?

Catherine. — Un châle, un grand châle comme madame en avait un quand elle sortait… et puis vous ne me menez jamais au spectacle non plus.

Le père Renaud. — Si j’étais sûr que tu m’aimes bien, que tu ne me trompes pas…

Catherine. — Ah ! fi donc ! v’là une idée ? si je savais que vous dites ça pour tout de bon…

Le père Renaud. — Non, non, va, je sais bien que tu es gentille, que tu m’aimes bien.

Catherine. — Quand me le donnerez-vous alors ? l’aurai-je dimanche prochain ?… Il faudra aussi me mener dîner au restaurant.

Le père Renaud. — Embrasse-moi bien alors, et n’aie pas l’air de toujours bouder. Voyons, un bon baiser, franchement.

Catherine l’embrasse sur les yeux, le père Renaud se pâme.

Cependant Mendès, qui, depuis une grande demi-heure, l’attend dans son cabinet pour lui montrer un discours français dans lequel Scipion exhorte l’armée romaine à vaincre Carthage, est descendu savoir s’il allait bientôt venir ; il l’a cherché partout et ne l’a trouvé nulle part ; il entre enfin dans le parloir au moment où le père Renaud, tenant Catherine dans ses bras, disait : « Ah ! gueuse ! que tu es gentille ! », et où