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globe se tiennent suspendus à leurs clous, les trois chaises sont encore aux places où on les a laissées ; là-haut, dans leurs chambres, les élèves travaillent. On prépare le dîner, la porte qui donne sur la cuisine n’est pas fermée, les casseroles gargouillent, le pot-au-feu bouillonne.

Cependant la porte s’entrebâille, une femme paraît, le père Renaud relève la tête.

Catherine est en corset, sans fichu, sans camisole, les pieds dans des savates, un foulard sur la tête, avec de grandes boucles d’oreilles d’or ; son jupon lui descend jusqu’au milieu du mollet serré dans un bas bleu, et la manche de sa chemise un peu au-dessous de l’aisselle ; elle a les bras nus, c’est une chair ferme et fraîche, rouge, presque sanglante, gonflée surtout aux poignets dont la peau, plissée par l’eau bouillante, a l’air de se déchirer comme tendue par la graisse. Son visage sourit, c’est un blanc visage, joues un peu bouffies et blafardes, nez retroussé, lèvre humide ; ses yeux sont d’un bleu clair, et les deux petites papillotes qui paraissent sous sa coiffure, d’un blond cendré. Elle est restée sur le seuil.

— Entre, lui dit M. Renaud, allons, approche, approche, viens !

Catherine s’avance, les yeux du père Renaud s’animent, ses pommettes se colorent, il la saisit par le bras :

— Oh ! quel beau bras !

Catherine. — Ne me serrez pas tant ! vous me faites mal.

Le père Renaud. — Eh bien, viens ici, j’ai à te parler. (Il la prend par la taille, l’attire vers lui.) Assieds-toi là ! (Catherine se met sur ses genoux et joue avec le gland d’or de son bonnet grec.)

Catherine. — Dites donc, qu’est-ce qu’ils vous voulaient, ces messieurs et cette dame ?

Le père Renaud. — C’est le père et la mère d’Henry.