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bonnet d’opéra-comique, avec un nez retroussé et une humeur folâtre, pour partager avec elle sa mansarde et son amour ; il fredonnait déjà : « Dans un grenier qu’on est bien à vingt ans ! », contrairement à tant d’autres, qui trouvent qu’on serait mieux partout ailleurs, fût-ce à la cave.

Alvarès, au contraire, maigrissait chaque jour, son regard devenait terne, sa taille se courbait, une mélancolie stupide et bienheureuse s’étendait sur toute sa personne et engourdissait le peu de facultés dont la nature l’avait doué. L’amour qu’il ressentait toujours pour Mlle Aglaé, moins ardent et moins furieux que celui de Mendès, mais plus intime et plus profond, était tourné chez lui en une manie acharnée, où le pauvre diable se mourait. La figure pâle de cette femme maigre, à la longue chevelure, l’accompagnait partout et l’obsédait comme un fantôme, et chaque jour, ce souvenir renaissant et toujours plus vivace que la veille réveillait son désir à peine calmé et le fouaillait à tour de bras ; il aurait épuisé l’éternité à tourner, comme un cheval au manège, autour de cette idée fixe et immobile, il n’en parlait plus, mais dans le silence de son cœur il se consumait solitairement.

On le mit d’abord au lait d’ânesse, en lui recommandant l’air de la campagne et l’exercice ; tous les jeudis et tous les dimanches, Mendès et le père Renaud allaient le promener hors Paris, en pleine campagne, ou seulement sur les boulevards extérieurs, les jours qu’il se sentait plus faible ; dès qu’il y avait du soleil dans le jardin, il descendait de sa chambre et il venait s’asseoir le long de l’espalier, dans un fauteuil qu’on apportait exprès pour lui, il s’amusait à regarder les poissons rouges nager dans le bassin, ou bien il allait à la chasse aux limaces avec un bâton pointu.

Le mois d’août arrivait, on était à l’époque des concours et des examens, M. Renaud était surchargé