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la jeune fille.

Monsieur !

le jeune homme.

Chère amie, je vous aime (ici un baiser), je vous aime de tout mon cœur ; si vous saviez…

La jeune fille lève un regard, le jeune homme pousse un soupir, la maman les regarde avec complaisance.

La conversation continue, on parle des projets de mariage, d’une tenue de maison ; la jeune fille fait grande parade d’économie, le jeune homme grand étalage de magnificence.

On s’enhardit. Chaque matin le jeune homme arrive avec un gros bouquet, et en sortant de chez sa fiancée il va chez son médecin, qui finit de le purger d’une incommodité gênante un jour de noces et dangereuse pour l’épousée.

C’était un bon garçon, il avait fait son droit et avait fort bien usé de ses trois ans d’étudiant ; il avait débauché un régiment de modistes et les avait toutes laissées en disant : « Tant pis ! des femmes comme ça ! » Il ne savait plus que faire, il lui avait pris envie de se ranger, de payer ses dettes, de s’établir et de se marier.

Sa femme était gentille, une grande fille blonde de dix-huit ans, élevée sous l’aile d’une bonne mère, chaste, blanche, timide.

Il l’aimait, il le croyait, il avait fini par se le persuader, il en était convaincu. S’il avait eu plus d’imagination, il se serait posé comme un amoureux de drame ; cela lui semblait drôle tout de même.

Mais le jour des noces arriva, la mariée était jolie comme un ange, le jeune homme était beau comme un gendarme ; l’une rêvait à mille instincts confus, pauvre colombe enfermée dans la cage et qui n’avait