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croix de bois, rends-moi ma vallée pleine de fleurs, rends-moi la paix, l’ignorance. (Ils descendent.) Merci ! Ou plutôt fais-moi connaître le monde, mène-moi dans la vie ; tu m’as montré Dieu, montre-moi les hommes.

satan.

Oui, viens, suis-moi, je te montrerai le monde et tu reculeras peut-être aussi épouvanté ; viens, viens, je vais te montrer l’enfer de la vie ; tu vois les tortures, les larmes, les cris, viens, je vais déployer le linceul, en secouer la poussière, je vais étendre la nappe de l’orgie pour le festin ; viens à moi, créature de Dieu, viens dans les bras du démon, qui te berce et t’endort.


La mer, des prairies, de hautes falaises ; temps calme ;
le soleil se couche sous les flots.
smarh.

Me voilà enfin sur la terre ! l’homme naturellement s’y sent bien, il y est né.

satan.

Pourquoi la maudit-il toujours ?

smarh.

Moi, je suis fait pour y vivre ; comme cette nature est belle !

satan.

Et comme tu la comprends bien, n’est-ce pas ? comme ses mystères te sont dévoilés ?

smarh.

Tu as beau m’entourer de tes subterfuges et de tes sophismes, je ne suis plus ici dans les régions du ciel, où tous ces mondes errants m’effrayaient ;