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tout ?… Pourquoi suis-je là ?… Oh ! il y a deux infinis qui me perdent : l’un dans mon âme, il me ronge ; l’autre autour de moi, il va m’écraser.

satan.

Ah ! ton ignorance te pèse et les ténèbres te font horreur ? tu l’as voulu !

smarh.

Qu’ai-je voulu ?

satan.

La science. Eh bien, la science, c’est le doute, c’est le néant, c’est le mensonge, c’est la vanité.

smarh.

Mieux vaudrait le néant !

satan.

Il existe, le néant, car la science n’est pas. Veux-tu monter encore ? Veux-tu avancer toujours ? Oh ! l’horrible mystère de tout cela, si tu le connaissais ! ta peau deviendrait froide, et tes cheveux se dresseraient, et tu mourrais, épouvanté de tes pensées.

smarh.

Oh ! non, non, j’ai peur ! cet infini me mange, me dévore ; je brûle, je tremble de m’y perdre, de rouler comme ces planches emportées par les vents et de brûler comme elles par des feux qui éclairent ; assez ! grâce !

satan.

Cependant je t’aurais poussé bien loin dans le sombre infini.

smarh.

Mais toujours dans le néant. Non, non, fais-moi redescendre sur ma terre, rends-moi ma cellule, ma