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tu prends un serpent, il te pique ? pourquoi, quand tu aimes un homme, te trahit-il ? pourquoi, quand tu veux marcher, la terre s’abaisse-t-elle sous ton pied ? pourquoi, quand tu veux marcher sur les flots, s’abaissent-ils sous toi pour t’engloutir ? pourquoi faut-il te vêtir, te nourrir toi-même, avoir besoin de quelque chose, dormir, marcher, manger ? pourquoi sens-tu le poignard entrer dans tes chairs ? pourquoi tout ce qui est autour de toi s’est-il conjuré pour te faire souffrir ? pourquoi vis-tu enfin pour mourir ?

smarh.

Oui, le repos est dans la tombe.

satan.

Non ! je trouble la paix des tombes, moi ! Non ! la mort donne la vie, et la création serait de la corruption, le fumier fertilise et le bourbier féconde.

smarh.

N’est-ce pas la perpétuité de l’existence, l’immortalité des choses ?

satan.

Oui, l’immortalité des vers de la tombe et des pourritures. Il faut que tout vive, que tout renaisse et souffre encore.

smarh.

Pourquoi, comme tu le dis, cela est-il manqué ? pourquoi le souffle du mal féconde-t-il la terre ? pourquoi n’est-ce pas comme je le pensais ? Pourquoi es-tu venu me troubler dans ma béatitude, me réveiller de ce songe ? Placé sur cet infini, je sens mon âme défaillir de tristesse et d’amertume.

satan.

C’est le mystère du mensonge et de la vie ; le