Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

smarh.

Je croyais l’avoir en entier, je croyais qu’il n’y avait que Dieu.

satan.

Tu n’avais donc jamais entendu parler du Diable ?

smarh.

Oui, par les pécheurs qui venaient vers moi, mais il s’était toujours écarté de mon cœur, tant j’étais pur.

satan.

Pur ? mais il n’y a rien que le souffle du démon ne puisse flétrir. Tu ne savais pas qu’il remue tout dans ses mains armées de griffes, et que tout ce qu’il remuait il le déchirait, les âmes et les corps, l’infini et la terre ? Partout est la puissance du mal, elle s’étend sur tout cela, et l’homme s’y jette, avide de pâture et d’erreurs.

smarh.

Le péché seul est pouvoir du démon, c’est lui qui l’enfante ; mais le bien ?

satan.

Où est-il ? Dis-moi donc quelque chose qui soit bien ? Pourquoi cela est bien ? Qui donc a établi les lois du bien et du mal ? Montre-moi dans la création quelque chose fait pour ton bonheur, quelque chose de vrai, de saint, d’heureux ? Dis-moi, n’as-tu jamais senti ta volonté s’arrêter à de certaines limites et ne pouvoir les franchir, tes larmes couler, la tristesse inonder ton âme, le mystère apparaître et t’envelopper ? n’as-tu jamais contemplé le regard creux d’une tête de mort et tout ce qu’il y avait d’inculte et de néant dans ces os vides ? Pourquoi donc les fleurs que tu portes à tes narines se flétrissent-elles le soir ? pourquoi, quand