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ma tête ! Comme une couleuvre, elle se replie, dénoue ses bras, sa tête remue, ses hanches se balancent, ses narines s’enflent, ses cheveux se dénouent, l’encens qui fume entoure l’idole stupide et dorée, qui a quatre têtes et vingt bras.

Dans un canot de bois de cèdre, un canot allongé, dont les avirons minces ont l’air de plumes, sous une voile faite de bambous tressés, au bruit des tam-tams et des tambourins, j’irai dans le pays jaune que l’on appelle la Chine ; les pieds des femmes se prennent dans la main, leur tête est petite, leurs sourcils minces, relevés aux coins, elles vivent dans des tonnelles de roseau vert, et mangent des fruits à la peau de velours, dans de la porcelaine peinte. Moustache aiguë, tombant sur la poitrine, tête rase, avec une houppe qui lui descend jusque sur le dos, le mandarin, un éventail rond dans les doigts, se promène dans la galerie, où les trépieds brûlent, et marche lentement sur les nattes de riz ; une petite pipe est passée dans son bonnet pointu, et des écritures noires sont empreintes sur ses vêtements de soie rouge. Oh ! que les boîtes à thé m’ont fait faire de voyages !

Emportez-moi, tempêtes du Nouveau Monde, qui déracinez les chênes séculaires et tourmentez les lacs où les serpents se jouent dans les flots ! Que les torrents de Norvège me couvrent de leur mousse ! que la neige de Sibérie, qui tombe tassée, efface mon chemin ! Oh ! voyager, voyager, ne jamais s’arrêter, et, dans cette valse immense, tout voir apparaître et passer, jusqu’à ce que la peau vous crève et que le sang jaillisse !

Que les vallées succèdent aux montagnes, les champs aux villes, les plaines aux mers. Descendons et montons les côtes, que les aiguilles des cathédrales disparaissent, après les mâts de vaisseaux pressés dans les ports ; écoutons les cascades tomber sur les rochers, le vent dans les forêts, les glaciers se fondre au soleil ; que je voie des cavaliers arabes courir, des