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on est triste, et de grosses larmes vous remplissent les yeux : « Si le sort avait voulu pourtant, je serais autre, mon mari serait beau, grand, joli cavalier, aux sourcils noirs et aux dents blanches, à la bouche fraîche ; pourquoi donc n’ai-je pas eu ce bonheur ? », et l’on rêve longtemps, on s’ennuie, le mari revient, il sent le vin, l’ivrogne ! Quel homme !

Vous vous demandez si cela sera toujours ainsi, on se sent seule, isolée dans le monde, sans amour ; il fait bon en avoir pour vivre ! Jadis vous avez vu un beau jeune homme qui vous baisait la main, et souvent les soldats passent sous vos fenêtres ; aux bains vous avez aperçu (et vous avez rougi aussitôt) des hommes nus, la drôle de chose ! et vous rêvez de tout cela, ma petite. Le soir, en vous couchant, vous vous trouvez bien malheureuse et vous vous endormez en pensant aux hommes des bains publics, à votre jeune amant, aux soldats, que sais-je ? Vous avez un bataillon de cuisses charnues dans la tête : « Si j’en avais seulement deux sur les miennes », dites-vous, et vous faites les plus beaux rêves du monde.

la femme.

Oh ! le méchant homme !

yuk.

Longtemps vous vous êtes bornée aux rêveries, aux rêves, aux démangeaisons, mais l’aiguillon de la chair vous tient depuis longtemps, et chaque jour vous dites : « Quand cela arrivera-t-il ? est-ce bientôt ? »

la femme.

Hélas ! il faut bien vous le dire ; mais je résiste, je combats, et je venais consulter même…

yuk.

Que vous êtes simple ! Avez-vous besoin d’un er-