plaisent parce qu’ils lui disent : « J’ai faim ! » et ce cri-là lui fait mal, car il n’a rien à leur donner.
Plaignez-le ! Tout à l’heure sa femme est rentrée, elle avait cassé son violon, elle n’apportait pas de pain. Il était 6 heures d’après-midi, il faisait froid et tous avaient faim. Vouliez-vous qu’il laissât mourir ses enfants, ses pauvres enfants qui, les mains jointes comme devant l’autel, rampaient à ses genoux en lui disant avec un sourire et des larmes : « Du pain ! ».
À genoux, les mains jointes devant un saltimbanque ! Vous voyez bien que la misère fait faire des bassesses.
Et puis dans son désespoir, il avait battu sa femme, il avait maudit ses enfants, il avait appelé Satan, il avait chargé son pistolet ; par un sentiment machinal il l’avait laissé tomber, puis, la tête lui brûlait, tout tournait autour de lui et il avait vendu son arme. Il se trouvait dans une maison de jeu, et c’est avec une sollicitude bien douloureuse qu’il regardait ses deux pièces rouler sur le tapis, ses deux pièces qui allaient décider de sa vie, de celle de ses enfants, de celle de sa femme.
Et maintenant s’il perd, il se mettra brigand, assassin peut-être, on le conduira sur l’échafaud, les mères en passant le montreront à leurs enfants comme un monstre, comme un être hideux dont un seul de ses regards peut faire mal, et sa tête roulera sur les planches humides, et la foule en passant donnera encore des malédictions à son tronçon ! Eh ! voilà un bien grand coupable ; c’est un homme qui avait faim !
Sa femme ? si elle n’en meurt pas de douleur, elle mourra de misère ou bien encore elle se mettra ignoble fille de joie, et la foule lui crachera au visage en criant : « C’est la femme d’un assassin, c’est une fille publique, et elle est laide. »
Quant à ses enfants, la charité des hôpitaux les ramassera peut-être, on les élèvera dans une crainte