Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La foule des enfants crie après l’homme soûl.

La foule des hommes s’acharne après la vérité, qu’ils mettent en pièces.

II

Eh bien, un jour que ces deux hommes se trouvèrent en présence, poussés par la vanité et la gloire, ils se portèrent le plus sanglant et le plus terrible défi que jamais paladin aux jours de tournoi eût jeté à son adversaire, mais un duel à mort, à outrance, une bataille à deux en champ clos, à armes égales, où le vaincu devait rester sur place pour proclamer le triomphe de son vainqueur ; c’était un défi inspiré par la rage, la lutte serait acharnée, longue, pleine de tumulte, de cris, sans trêve, sans repos ; on devait plutôt mourir sur place, et l’honneur et le plaisir de la victoire serait tout, car le triomphe à lui seul devrait couvrir d’honneur celui qui l’aurait remporté et l’illustrer d’une gloire immortelle.

Car il s’agissait de qui des deux boirait le plus !

III

C’était chez Hugues.

Dans une chambre basse au rez-de-chaussée, ouverte sur une cour plantée d’arbres ; au fond, une haute cheminée avec des chenets de fer rouillés et une grande plaque de fonte, où les araignées tendaient leurs toiles agitées de temps en temps par le vent qui s’engouffrait sur elles et les déchirait en lambeaux ; une solive noircie et couverte de clous qui portaient un fusil, quelques bâtons et un pistolet ; puis, sur les murailles blanchies avec la chaux, se dressait un buffet de bois blanc, portant dans ses rangées des piles de vaisselle de couleur, c’était là l’appartement. En outre, un châssis carré de vitres