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Dis adieu à ta haute église, que le pied de mon cheval abattra quelque jour en passant par-dessus ; adieu pour toujours à ton Vatican, à ses fêtes, à l’encens, au peuple qui s’agenouillait dans les rues, aux voix menteuses et basses.

Tout ployait sous toi, s’abaissait à ton regard ; le pèlerin venait du fond de son pays pour embrasser le cuir de tes sandales ; mais moi, je suis un pèlerin qui vient de loin aussi, pour t’étreindre dans mes bras d’un amour qui dévore.

Son regard était plus atroce que ses paroles, la Mort était heureuse de tenir dans ses mains ce symbole vivant de l’éternité.

— Aucun ne pense à moi, dit le Christ, et pourtant j’ai souffert pour eux, j’ai pleuré des larmes de sang ! moi aussi, je suis mort pour eux, plein de la foi et de l’amour que j’ai versés comme la rosée sur les cœurs souffrants ! Tous ceux-ci sont perdus par leur grandeur, leur orgueil ; la foi se trouve peut-être dans les hommes placés plus bas sur la terre, j’aime les mendiants.

la mort.

Celui qui se traîne sur le ventre jusqu’auprès de cet autre étendu dans un linceul de velours, et qui tâche de le mordre à la poitrine, celui-là c’est le pauvre, dont la vie est faite de souffrance, la vertu d’orgueil et le cœur d’envie.

le pauvre.

Oh ! que ma vie est longue ! mes bras sont fatigués de travail, il n’y a pas de vêtements pour mon corps, pas de plaisirs pour mon âme ; je suis seul avec ma misère, mon envie ; il faut résister à toutes les tentations, à toutes les tortures du corps et de l’âme. Qu’ai-je fait, mon Dieu !