Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le squelette s’arrêta longtemps, puis il releva la tête, fit claquer ses dents et reprit :

— Plus tard, je veux faire un plancher d’aloès sur la mer d’Italie et tout Rome viendra y chanter ; les voiles seront de pourpre, j’aurai un lit de plumes d’aigle, et j’y tiendrai dans mes bras, à la vue du monde entier, la plus belle femme de l’empire, et on applaudira de voir les jouissances d’un Dieu. Alors la tempête grondera en vain sous moi, j’étoufferai sa colère sous mes pieds, et le bruit de mes baisers apaisera celui des vagues.

Le squelette s’arrêta plus longtemps encore. La Mort s’approchait de plus en plus.

— Eh quoi ? Vindex se révolte, mes légions m’abandonnent ; mes femmes fuient effrayées dans les galeries, tout pleure et se tait, le tonnerre seul fait entendre sa voix. Est-ce que je vais mourir ?

la mort.

À l’instant !

néron.

Et il Faudra abandonner mes nuits pleines de volupté, mes jours remplis de festins, de délices, de spectacles, mes triomphes, mes chars et la foule !

la mort.

Tout ! tout !

satan.

Hâte-toi, maître du monde ! on va venir, on va t’égorger ; que l’empereur sache mourir !

néron.

Mourir ? à peine ai-je vécu ! oh ! comme je ferais de grandes choses à faire trembler l’Olympe ! je finirais par combler l’océan et à m’y promener dessus en char de triomphe. J’ai encore envie de vivre, j’ai be-