Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enfer, tu pourras abattre les mondes d’étoiles et de planètes, les astres, tous les ciels, tous les mondes ; tu pourras lâcher ton cheval dans des prairies d’émeraudes et de diamants, tu pourras lui faire une litière avec les ailes que tu auras arrachées aux anges, et le couvrir de la robe azurée du Christ ; tu pourras broder sa selle avec toutes les étoiles du firmament, et puis tu le tueras. Et puis, quand tu auras tout brisé, qu’il n’y aura plus qu’un grand vide, que tu auras déchiré ton cercueil, cassé tes flèches, alors tu te feras une couronne de pierre avec la plus haute montagne du ciel, et tu te lanceras dans l’abîme ; ta chute dût-elle durer un million de siècles, tu mourras, car le monde doit finir, tout, excepté moi ; je serai plus éternel que Dieu, je dois vivre pour former le chaos d’autres mondes.

la mort.

Tu n’as pas, comme moi, ce vide et ce froid de mort qui me glace.

satan.

Non, mais c’est une fièvre ardente et sans relâche, c’est une lave qui brûle les autres et qui me dévore.

Toi, au moins, tu n’as qu’à abattre ; mais moi je fais naître et je Fais vivre, je dirige les empires, je domine dans les affaires de l’État et du cœur.

Voilà un homme vertueux, qui fait parler de ses aumônes, de son front calme, de sa tenue modeste ; c’est que, le matin, la Vanité est venue le trouver dans son lit, au réveil d’une mauvaise digestion, et qu’il a résolu d’être sobre.

Un autre soupire après une femme, l’enlève, la viole et puis la laisse ; c’est l’Amour et puis la Pudeur qui m’ont rendu ce service.

Ici, c’est une femme bonne, sage ; mais son cœur est sec, son esprit borné.

Là, c’est un poète, un grand homme, un être qui