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DEUX MAINS SUR UNE COURONNE;

tout cela c’était pour un seul. Pour le roi ? non ; pour sa couronne ? non ; mais elle avait trouvé dans le comte d’Armagnac une âme qui pût se répandre entière dans son âme, un cœur qui pût s’épancher dans son cœur, une bouche qui pouvait dire : « je t’adore » à sa bouche qui disait : « je t’aime ! ».

Il fallait la voir, Isabeau, penchant son cou fatigué, comme celui d’un cygne, sur l’épaule du duc d Orléans ; il fallait la voir le regardant de ses grands yeux noirs ! Oh ! ces grands yeux noirs, c’était une beauté, c’étaient deux perles, deux diamants, deux soleils !

Et le duc aimait cette beauté, ces deux perles, ces deux diamants, ces deux soleils. Aussi quand, la reconduisant dans sa chambre, il lui demanda :

— Qu’aimez-vous le mieux de tout votre royaume ? Est-ce le roi ?

— Non.

— Son armée ? sa cour ?

— Non.

— Ses richesses ? les trente-sept baronnies ? Qui donc ?

— Quelqu’un, beau duc, répondit-elle en lui donnant une petite claque sur la joue avec le bout de son gant.

II

le duc mort !

Ah ! Paolo poignardé !
A. Dumas, Térésa.

Puis, c’était loin du temps dont nous venons de parler ; on avait donné plus d’une fête à la Cour.

Isabeau revenait du Parlement à l’hôtel Saint-Pol, où elle habitait, quand elle trouva le duc d’Orléans et lui dit d’un air courroucé :

— Oh ! le Parlement ! j’en tirerai vengeance !