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ŒUVRES DE JEUNESSE.

quelque chose de grand et de majestueux, d’indéfinissable et d’exquis.

Le soir il y eut fête à la Cour, mais une fête comme jamais aucun Français n’en avait vu, une fête avec le luxe effréné d’une imagination jeune exaltée ; une fête, mais une fête à la Isabeau, une fête où la passion était jusque dans la danse, où la musique respirait la volupté ; une fête où, pour la première fois, il y eut des fanfares, des danses impudiques ; une fête où le vin ruisselait à flots, où la mollesse avait été chercher ce qu’il y a de plus raffiné, la richesse ce qu’il y a de plus resplendissant ; une fête ! non, une orgie royale. Le roi avait quitté son diadème, la reine sa pudeur, la femme sa vertu ! Et se dépouillant de toute parure comme d’un manteau, le roi en se montrant semblait dire : « Voilà votre roi qui se vautre dans l’orgie, la reine qui donne des leçons de volupté, les femmes qui sont à vendre ».

Oh ! le vieux Louvre ! Cette nuit-là, il tressaillit de joie, ses galeries étaient illuminées ; mille flambeaux, mille lumières resplendissaient, et les feux semblaient sortir par ses fenêtres. Puis, quand les danseurs furent fatigués, quand les vins furent bus, quand les lumières semblaient mourir à l’aspect du jour, la reine se retira dans sa chambre, le roi dans la salle du trône pour recevoir les députations des bourgeois de Paris, et le monarque fatigué penchait sa tête défaillante sur sa couronne, tandis qu’un peuple se prosternait à ses pieds.

La fête de la nuit, oh ! elle était resplendissante et belle, et la reine, oh ! la reine, c’était l’âme de cette fête. Oh ! il fallait la voir, dans les bras du duc d’Orléans, danser au son des cordes le minuetto de Bavière, il fallait la voir sourire à un sourire, regarder un regard, dire une parole d’amour à une parole d’amour !

Et ces sourires, ces regards, ces paroles d’amour,