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DEUX MAINS SUR UNE COURONNE;

bons Parisiens qui de tout temps s’est arrêtée avec curiosité pour voir un chien qui se noie ou un roi qui passe.

Charles et la reine devaient entrer par la porte Baudets, de là se rendre à Notre-Dame, puis au Louvre.

Ce fut vers le soir que le roi se présenta aux portes de Paris ; il était monté sur un superbe cheval blanc, ferré d’argent, orné d’un riche caparaçon fleurdelysé ; la reine était derrière lui, en croupe.

La reine ! Oh ! dès qu’on la vit dans les rues, ce furent des cris d’allégresse, des trépignements de pieds, des hourras sans fin, des pluies de fleurs ; de temps en temps elle se retournait vers Charles, et ses grands yeux noirs semblaient lui dire : « je suis heureuse », et sa bouche qui souriait : « je vous aime ».

À côté du roi marchaient à pied le duc d’Orléans, Tanneguy Duchatel, qui tenaient la bride de son cheval ; puis venaient le duc de Flandre, Olivier de Clisson, tout le Parlement avec les insignes de son pouvoir, tous les seigneurs de France et de Bavière, les chevaliers, les varlets, les gens de la suite du roi, tous les prévôts de Paris, tous les docteurs de l’Université, tous les diacres, sous-diacres et abbés, enfin, je crois, tout ce qui dans le royaume portait épée, calotte et bonnet carré.

— Vous avez une belle suite, dit Isabeau au roi, en regardant le duc d’Orléans.

— Et un beau peuple, ajouta le roi en resserrant la bride de son cheval, dont les fers d’argent résonnaient à peine sur le pavé de fleurs.

En effet, il y avait dans toute cette foule qui trépignait et qui hurlait de joie, dans tout ce cortège si rempli de luxe et de magnificence, dans ce couple noble du roi et de la reine, dans le piétinement de tous ces chevaux qui faisait jaillir les fleurs avec les étincelles du pavé, oui, dans tout cela enfin il y avait