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LOYS XI.

Angelo

Oui, sire, quand la mort arrive, la terre entière réunie ne pourrait vous donner ni un souffle ni une minute de plus. La vie des rois est comme les haches d’exécution, elles coupent et s’en vont ; on les montre longtemps comme ayant bien servi. Elles ont une fonction de sang qui les use vite, sire.

Loys

Assez, Angelo, réponds ! Toi qui lis dans le ciel et qui parles à Satan, jamais tu n’as donc eu de ces révélations mystérieuses ou infernales ? Est-ce que tu n’as pas fait un pacte avec le diable pour me faire vivre ? Et tu as pourtant travaillé, tu as lu dans ces livres de feu écrits par les démons, et rien ? rien, dans tout cela qu’un peu de poussière ?

Angelo

Rien, sire.

Loys

Et tes creusets, et tes fourneaux, et tes nuits sans sommeil, tes insomnies brûlantes, tes visions…

Angelo

C’était pour chercher l’or… autre chimère !

Loys

L’or ! l’or ! mais j’en ai, Angelo, j’en ai plus que tu n’en as jamais rêvé ; je t’en bâtirai des montagnes, je t’en élèverai des masses immenses. De l’or ? Angelo, cela est commun comme les pleurs. Vois-tu, fouille dans mes trésors, prends, prends à pleines mains, Angelo, prends mon sceptre, ma couronne, arrache mes fleurs de lis, tout, tout cela à toi pour une année de plus !… (Angelo médite.) Et puis tu seras plus riche que le pape et l’empereur, tes chevaux auront des