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Louis XI

Non, cela m’ennuie, tout m’ennuie maintenant ; j’ai beau travailler, c’est en vain. J’ai fait venir le saint homme de Calabre, j’ai fait bâtir des chapelles, eh bien tout cela… Tiens, Commines, j’ai le cœur vide comme un échafaud nettoyé et balayé… Tristan, la petite chapelle au bout de mon parc est-elle bientôt finie ?

Tristan

On l’a commencée hier, sire.

Louis XI

Je veux qu’on mette dans l’autel les os de saint Martin, et puis qu’on surveille les ouvriers surtout ; tout en travaillant ils pourraient observer les sentiers qui conduisent au château. (Il se lève et se promène.) Qu’une pareille vie est ennuyeuse, toujours calme et froide comme le sommeil d’un tombeau. (On entend dans le lointain des bruits d’instruments et de voix.) Quel est ce bruit ? une surprise ? j’avais cependant bien défendu qu’on approchât d’ici. (Il va à la fenêtre.) Ah ! des bohémiens, des sorciers… Mais non, c’est une femme toute seule. Une femme ? On dit que quelques-unes ont des connaissances intimes et mystérieuses et une révélation divine, et que leurs sentences sont infaillibles et inspirées. Et puis Angelo commence à me lasser un peu… Tristan, va me chercher cette femme et qu’on ait soin de voir si elle n’a pas d’armes cachées sous ses vêtements, un poignard tient si peu de place.

(Tristan sort.)
Commines

Une devineresse, sire.

Louis XI

Ami, n’as-tu pas entendu dire, comme moi, que les femmes parfois ont une finesse magique et que