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LOYS XI.

de mes espérances, elles me trompent. Ah ! je n’aurai pour manteau royal qu’un linceul et pour trône qu’une bière… peut-être. (Il va à la porte.) Saint Georges ! saint Georges ! mon cheval ! qu’on se dépêche !

Marie, à son cou.

Oh ! donnez-moi plutôt de l’espérance, j’en ai besoin, je sens que tout va me manquer. Parlez ! votre figure est triste et vos yeux me feraient pleurer. Une pauvre fille comme moi, cela est si faible, mon père ! Vous, un homme, un guerrier !…

Le duc

Non, mon cœur est tendre sous ma cuirasse. (Le cheval paraît à la porte, conduit par un valet.) Adieu, Marie, adieu ! bientôt je reviendrai ; mais si je meurs, ce sera en vaillant homme, je vais me battre comme un lion… Et pourtant je suis faible ! Tu sais, le griffon doré qui orne mon casque est tombé cette nuit et s’est cassé les ailes… mais il a encore ses griffes.

Il sort.
Marie, courant après lui.

Adieu ! adieu !

Le duc

Adieu, Marie !

Marie lui embrasse les mains, se jette une dernière fois à son cou en pleurant. Il monte à cheval.


Scène V

Marie, seule.

Seule… et il part !… et s’il n’allait plus revenir ? s’il mourait ?… oh ! il me semble déjà voir les murs de la Bastille, sentir les mains des bourreaux du roi. On dit que c’est un homme si féroce, ce roi de France,