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LOYS XI.

Commines

Oui, sire.

Louis XI

Dis-lui de venir. (Commines sort. À part.) Le talent d’un roi, c’est d’avoir des gens pour tout, un bourreau pour décapiter, d’autres pour assassiner par derrière, des gens habiles au conseil, des malins pour les négociations, des armées pour faire la guerre, et de l’or… oh ! de l’or, pour corrompre. Écoute, Tristan, je t’ai fait mon grand prévôt, je t’ai comblé de bienfaits.

Tristan

Je le sais, sire.

Louis XI

Écoute donc ! De valet que tu étais, je t’ai fait bourreau ; c’est là un grand honneur pour ceux qui aiment le travail, et si je vivais encore vingt ans, comme je l’espère, toute la noblesse de France te passerait par les mains ; tu abats toutes les nobles têtes. Quel plus beau rôle pour un homme fier ! Eh bien, tu vas partir avec le cardinal d’Albi, car nous avons assez d’hommes pour t’en confier ; tu en prendras cinq mille, c’est assez ; nous pourrions t’en donner plus, mais il faut toujours en garder près de nous, cela est plus noble pour un roi et plus sûr. Tu t’avanceras vers Lectoure, tu cerneras cette ville, tu prendras d’Armagnac mort ou vif, c’est comme tu voudras ; empoisonne-le, si cela t’amuse, entre amis on n’y regarde pas de si près. Du Bouchage te fera parvenir mes lettres et te donnera des avis. Tu entends ? demain il faut partir, va-t’en. (Il sort.) Approchez, M. Olivier ; pour vous, c’est autre chose. Connaissez-vous un homme prêt à faire tout ce qu’on lui dit ?

Olivier

Moi, sire !