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LOYS XI.

Le Duc

Et c’est vrai, je suis fou d’en douter. N’ai-je pas ici La Balue, qui m’en a donné des preuves ? Lui aussi m’a donné les noms des misérables qui l’aidaient, et du Lude, du Bouchage, et tant d’autres, que sais-je ?… car les hommes de cet homme-là sont tous des espions ou des bourreaux, jusques a lui qui cumule les fonctions et en remplit les charges.

Commines

Calmez-vous, mon prince ; ne l’avez-vous point en votre possession ? La clémence sied aux grands.

Le Duc, avec ironie.

Et le parjure aux rois, n’est-ce pas ? (Une pause.) Oui ! je suis fou aussi moi, plus fou qu’un alchimiste, plus sot qu’une vieille femme, de ne pas croire à la félonie du roi de France, qui est un lâche, un homme déloyal et sans cœur, et dont le blason devrait être souffleté par la main d’un gardeur de pourceaux.

Commines

Et s’il vous entendait ?

Le Duc

Après ? Je lui dirais bien en face. J’avais donc bien raison de me méfier de cette maudite entrevue ; il m’a trompé, le renard, mais moi je suis un lion et il ne m’échappera pas. C’est lui qui a fait rebellionner toute cette canaille de Brabant, de Bruxelles, et Bruges aussi, et lorsque je suis entré à Gand, il y avait aussi probablement, parmi tous ces manants qui criaient, une main qui payait a boire et lançait des pierres à travers la foule. Mais par saint Georges, ils seront rudement punis, et il aura sujet de s’en repentir, de dire Pasques Dieu ! et de faire plus d’un pèlerinage.