Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LOYS XI[1].

drame.

Je viens enfin de finir mes 85 pages, et j’éprouve maintenant le besoin de résumer les impressions que j’ai subies pendant ces quinze jours de travail et d’enfantement.

J’avais été vivement épris de la physionomie de Louis XI, placée comme Janus entre deux moitiés de l’histoire ; il en reflétait les couleurs et en indiquait les horizons. Mélange de tragique et de grotesque, de trivialité et de hauteur, cette tête-là, mise en face de celle de Charles le Téméraire, était tentante, vous l’avouerez, pour une imagination de seize ans, amoureuse des sévères formes de l’histoire et du drame.

Il y a des choses dans la vie du poète qui s’entendent ou, pour mieux dire, qui se sentent d’abord. Je ne sais vraiment quel sens intime il a des échos lointains et des voix qui ne sont plus, moi j’ai vu Louis XI ; malheureusement pour le lecteur — il en est de cela comme pour la lune — la lorgnette que j’ai faite ne lui fera pas voir grand-chose.

À mesure que j’étudiais son histoire, le drame s’y fondait naturellement, l’œuvre d’imagination se trouva faite dans la sienne elle-même, et quand je crus avoir assez travaillé, c’est-à-dire avoir lu pendant deux mois, je me mis a l’œuvre.

Voilà l’histoire de mon enfant ; il n’a pas été neuf mois à germer et n’a pas suivi toutes les phases fatales depuis le mollusque jusqu’à l’embryon, mais je crains bien aussi, pour cet

  1. Samedi soir 3 mars 1838. — Nous reproduisons l’orthographe des noms propres, souvent différente, telle que nous la trouvons dans les manuscrits.