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Djalioh lui montra la clef qu’il tenait dans sa main et il s’arrêta. Huit heures sonnèrent à la pendule, et les oiseaux gazouillaient dans la volière, on entendit le roulement d’une charrette qui passait, puis elle s’écarta.

— Eh bien, allez-vous sortir ? laissez-moi au nom du ciel !

Et elle voulut se lever, mais Djalioh la retint par le pan de sa robe, qui se déchira sous ses ongles.

— J’ai besoin de sortir, il faut que je sorte… il faut que je voie mon enfant, vous me laisserez voir mon enfant !

Une idée atroce la fit frémir de tous ses membres, elle pâlit et ajouta :

— Oui, mon enfant ! il faut que je le voie… et tout de suite, à l’instant !

Elle se retourna et vit grimacer en face d’elle une figure de démon ; il se mit à rire si longtemps, si fort, et tout cela d’un seul éclat, qu’Adèle pétrifiée d’horreur tomba à ses pieds, à genoux.

Djalioh aussi se mit à genoux, puis il la prit, la fit asseoir de force sur ses genoux, et de ses deux mains il lui déchira tous les vêtements, il mit en pièces les voiles qui la couvraient, et quand il la vit tremblante comme la feuille, sans sa chemise, et croisant ses deux bras sur ses seins nus, en pleurant, les joues rouges et les lèvres bleuâtres, il se sentit sous le poids d’une oppression étrange ; puis il prit les fleurs, les éparpilla sur le sol, il tira les rideaux de soie rose et, lui, ôta ses vêtements.

Adèle le vit nu, elle trembla d’horreur et détourna la tête ; Djalioh s’approcha et la tint longuement serrée contre sa poitrine, elle sentit alors, sur sa peau chaude et satinée, la chair froide et velue du monstre ; il sauta sur le canapé, jeta les coussins et se balança longtemps sur le dossier, avec un mouvement machinal et régulier de ses flexibles vertèbres ; il poussa de temps en