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imposant qu’elle tomba attérée sur le banc de pierre, et les regarda partir, muette d’anxiété et d’angoisse.

Un quart d’heure après, elle entendit un coup de fusil et le bruit que fait quelque chose en tombant dans l’eau… Elle poussa un sourd râlement, s’affaissa par terre, puis elle se releva et un rire étrange contracta ses lèvres.

Le lendemain, c’était à Ajaccio, on venait de retirer un enfant de la rivière. Oh ! le pauvre enfant ! de beaux cheveux blonds tombaient sur ses épaules, ses lèvres étaient tachetées de noir, ses mains, liées par un chapelet, étaient jointes comme pour la prière ; sa poitrine était percée d’une balle et l’on distinguait encore sa sanglante trace…

Une femme accourt, pâle, échevelée, et regarde longtemps fixement le cadavre ; elle se cramponna aux barreaux de la morgue et répétait avec douleur :

— Oh mon enfant ! mon enfant !

Puis elle tomba par terre en poussant un cri d’agonie…

Aussitôt arriva le fossoyeur apportant un cercueil.

— Vous vous êtes trompé, dit quelqu’un de la foule, il en faut deux !