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croire que tout sera fini, arrangé, satisfait, dès que, par une voie quelconque, le but auquel elle aspire pourra être atteint. On ne m’accusera pas de rien affaiblir ; je ne veux point taire les dangers du pouvoir, ni en dissimuler les sources ou les symptômes. Cependant, qui oserait dire que l’inimitié conduit nécessairement au complot, et qu’à tout ennemi il ne faut que l’occasion pour devenir un conspirateur ? Les hommes, surtout de nos jours, ne hasardent pas si aisément leur sûreté et leur vie. Des temps ont été où la rudesse des mœurs, l’âpreté des sentimens, la monotonie de l’existence, les cruautés de la politique ne laissaient en quelque sorte qu’un pas à faire de l’inimitié au complot, et poussaient les individus à le franchir. Maintenant la vie est facile, les mœurs sont douces ; l’état de la société offre aux hommes qui ont beaucoup perdu mille moyens de dédommagement et d’oubli. Le pouvoir, même le plus soupçonneux, ne les poursuit point avec l’acharnement qu’il déployait jadis. Je sais tel siècle où il était en effet très-difficile d’être ennemi et de ne pas conspirer ; maintenant cela se peut, cela se voit, et il n’est personne qui, en y regardant de près, ne puisse acquérir bientôt la conviction que tel individu dont les désirs ne sont