Page:Guizot - Mélanges politiques et historiques, 1869.djvu/219

Cette page n’a pas encore été corrigée

puis-je préserver l’ordre public si j’ignore ce qui le menace ? comment le saurai-je si je n’emploie de tels hommes, à la découverte des projets criminels ?

Je ne conteste point. Le mal existe dans la société, et c’est contre le mal qu’est institué le pouvoir. Lui interdire toute relation avec les parties honteuses de la nature humaine, tout emploi du vice contre le crime, c’est méconnaître sa condition et la nôtre ; l’erreur, pour être généreuse, n’en serait pas moins fatale. Point de chimère, point d’utopie ; elles sont la ruine de la liberté comme de l’ordre. C’est le reproche banal adressé aux amis du bien que le titre de rêveurs. Qu’ils le repoussent ; qu’ils demeurent constamment dans le vrai ; qu’ils acceptent les choses humaines telles que la Providence les a voulues, imparfaites, mêlées, toujours impures en tendant toujours à s’épurer. Sur ce terrain seulement ils seront inattaquables, et pourront hardiment reprocher au pouvoir ses corruptions de luxe, ses gratuites iniquités.

Or, si l’espionnage est nécessaire, qui osera le dire de la provocation ? qui soutiendra que la nécessité de découvrir le crime donne le droit d’aller en chercher le germe au fond des cœurs, de le