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Il n’est pas besoin d’être Tibère pour arriver à de telles iniquités.

Qui ne sait la puissance des préoccupations de l’esprit humain ? Quand une idée le possède, quand il s’acharne à quelque projet, tout s’y rattache, tout en dépend. Le plus faible lien, le rapport le plus éloigné, lui offrent l’apparence d’un incontestable et rigoureux enchaînement. Voilà le pouvoir judiciaire lancé dans un certain ordre de faits qui excitent sa méfiance ; hommes, actions, paroles, tout ce qu’il y apercevra lui sera suspect. A défaut de faits particuliers, ses soupçons seuls lui serviront de point de départ. Le nom d’un individu lui suffira pour qu’il dirige vers lui toutes ses pensées. Je ne suppose aucune intention perverse ; je décris le cours naturel d’un égarement.

Rencontrer un homme dans la sphère où on cherche un crime, et parce qu’on l’y rencontre, être tenté de le poursuivre, entre ces deux faits le passage est court et glissant. Poussée par la politique, la justice l’a souvent franchi. Que fait-elle alors ? elle oublie sa condition ; elle abandonne sa boussole légale ; elle n’instruit plus sur des faits ; elle instruit contre des personnes.

Instruire contre des personnes ! qui s’arrêtera