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il n’en est pas moins certain que, de tous les moyens par lesquels la justice peut être pervertie, l’invention des faits généraux est un des plus dangereux. Elle substitue les considérations vagues aux motifs légaux, les inductions aux preuves. Elle dénature la situation des accusés pour les plonger dans une atmosphère obscure et douteuse, où, de moment en moment, il devient plus difficile de démêler la vérité en ce qui les touche. Elle caractérise enfin cet envahissement de la justice par la politique, symptôme assuré de la présence du despotisme ou de l’approche des révolutions.

Que serait-ce si nous considérions en détail l’influence de cette pratique en matière de complots ? C’est là surtout que, par la nature même du crime, elle est pleine de mensonge et de péril. L’Angleterre m’en a fourni des exemples. J’en pourrais citer beaucoup d’autres, et montrer à quelles iniquités elle a conduit. Je ne m’arrêterai que sur un point : c’est peut-être le plus grave.

Toutes les poursuites judiciaires commencent à raison de certains faits qui leur servent de point de départ. C’est sur ces faits que le magistrat instruit. Il les suit dans leur filiation, recueille ceux qui s’y rattachent, et remonte ainsi des actes qui constituent