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funeste et impuissante quand on lui donne trop à faire.

Tel est le but de la politique ; telle est la mission du gouvernement proprement dit

Si les Hollandais, après avoir conquis leur patrie sur l’Océan, s’étaient contentés d’élever des digues et d’infliger des peines à quiconque eût osé les dégrader, depuis longtemps 1’Océan aurait reconquis la Hollande. Ils ont exercé sur les digues une surveillance plus continue et plus habile ; ils ont maintes fois changé leur direction, leur place, le système de leur construction et de leur entretien. Ils ont fait plus ; ils ont inspiré aux citoyens un esprit public qui a soigné et défendu les digues avec une vigilance religieuse, non moins puissante que le travail de l’administration [1]. L’Océan s’est soumis à tant d’efforts et respecte leur pays.

  1. Un enfant Hollandais, se promenant seul le long d’une digue, aperçut une fissure par où l’eau commençait à couler. Il essaya de la boucher avec du sable, de la terre, tout ce qu’il trouva sous sa main. N’y pouvant réussir et ne voyant venir personne, il s’assit, le dos appuyé contre la fente, empêchant, à tout risque, le progrès de l’eau et attendant du secours. Là où existe un sentiment public si général et si impérieux, on peut être assuré que le but vers lequel il se dirige sera atteint. Que la politique sache inspirer en faveur de l’ordre établi un sentiment de ce genre, les tribunaux auront peu de conspirateurs à punir.