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pas être frappé d’un fait qui semble en contradiction avec ce que nous venons de dire. Dès que vous cherchez quelles notions on s’est formées sur les antiquités de l’Europe moderne, vous vous apercevez que les éléments divers de notre civilisation, les principes monarchique, théocratique, aristocratique, démocratique, prétendent tous qu’originairement la société européenne leur appartenait, et qu’ils n’en ont perdu l’empire que par les usurpations de principes contraires. Interrogez tout ce qui a été écrit, tout ce qui a été dit à ce sujet ; vous verrez que tous les systèmes, par lesquels on a tenté de représenter ou d’expliquer nos origines, soutiennent la prédominance exclusive de l’un ou de l’autre des éléments de la civilisation européenne.

Ainsi il y a une école des publicistes féodaux, dont le plus célèbre est M. de Boulainvilliers, qui prétend qu’après la chute de l’Empire romain, c’était la nation conquérante, devenue ensuite la noblesse, qui possédait tous les pouvoirs, tous les droits ; que la société était son domaine ; que les rois et les peuples l’en ont dépouillée ; que l’organisation aristocratique est la forme primitive et véritable de l’Europe.

À côté de cette école,vous trouverez celle des publicistes monarchiques, l’abbé Dubos, par exemple, qui soutiennent qu’au contraire c’était à la royauté qu’appartenait la société européenne. Les rois germains avaient, disent-ils, hérité de tous les droits des Empereurs romains ; ils avaient même été appelés par les anciens peuples, par les Gaulois entre autres, eux seuls dominaient légitimement ; toutes les conquêtes de l’a-