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affaires de la cité a succédé à celle des anciens magistrats municipaux, et précédé l’organisation des communes modernes.

Vous comprenez quels moyens prodigieux de pouvoir l’Église chrétienne puisait ainsi, soit dans sa propre constitution, dans son action sur le peuple chrétien, soit dans la part qu’elle prenait aux affaires civiles. Aussi a-t-elle puissamment concouru, dès cette époque, au caractère et au développement de la civilisation moderne. Essayons de résumer les éléments qu’elle y a dès lors introduits.

Et d’abord, ce fut un immense avantage que la présence d’une influence morale, d’une force morale, d’une force qui reposait uniquement sur les convictions, les croyances et les sentiments moraux, au milieu de ce déluge de force matérielle qui vint fondre à cette époque sur la société. Si l’Église chrétienne n’avait pas existé, le monde entier aurait été livré à la pure force matérielle. Elle exerçait seule un pouvoir moral. Elle faisait plus : elle entretenait, elle répandait l’idée d’une règle, d’une loi supérieure à toutes les lois humaines ; elle professait cette croyance fondamentale pour le salut de l’humanité, qu’il y a, au-dessus de toutes les lois humaines, une loi appelée, selon les temps et les mœurs, tantôt la raison, tantôt le droit divin, mais qui, toujours et partout, est la même loi sous des noms divers.

Enfin, l’Église commençait un grand fait, la séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Cette séparation, Messieurs, c’est la source de la liberté de conscience : elle ne repose pas sur un autre principe que celui qui sert de fondement à la