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entre le monde romain et le monde barbare. C’est donc l’état de l’Église plus que celui de la religion proprement dite qu’il faut considérer au cinquième siècle, pour rechercher ce que le christianisme à dès-lors apporté à la civilisation moderne, quels éléments il y introduisait. Qu’était à cette époque l’Église chrétienne ?

Quand on regarde, toujours sous un point de vue purement humain, aux diverses révolutions qui se sont accomplies dans le développement du christianisme, depuis son origine jusqu’au cinquième siècle, à le considérer uniquement comme société, je le répète, nullement comme croyance religieuse, on trouve qu’il a passé par trois états essentiellement différents.

Dans les premiers temps, tout-à-fait dans les premiers temps, la société chrétienne se présente comme une pure association de croyances et de sentiments communs ; les premiers chrétiens se réunissent pour jouir ensemble des mêmes émotions, des mêmes convictions religieuses. On n’y trouve aucun système de doctrine arrêté, aucun ensemble de règles, de discipline, aucun corps de magistrats.

Sans doute il n’existe pas de société, quelque naissante, quelque faiblement constituée qu’elle soit, il n’en existe aucune où ne se rencontre un pouvoir moral qui l’anime et la dirige. Il y avait, dans les diverses congrégations chrétiennes, des hommes qui prêchaient, qui enseignaient, qui gouvernaient moralement la congrégation ; mais aucun magistrat institué, aucune discipline ; la pure association dans des croyances et des sentiments communs, c’est l’état primitif de la société chrétienne.