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très beau, très bon, très utile ; et s’il fallait se résumer, exprimer une opinion définitive, je me hâterais de dire que le dix-huitième siècle me paraît un des plus grands siècles de l’histoire, celui peut-être qui a rendu à l’humanité les plus grands services, qui lui a fait faire le plus de progrès et les progrès les plus généraux ; appelé à prononcer dans sa cause comme ministère public, si je puis me servir de cette expression, c’est en sa faveur que je donnerais mes conclusions. Il n’en est pas moins vrai que le pouvoir absolu, que l’esprit humain a exercé, à cette époque, l’a corrompu, qu’il a pris les faits contemporains, les opinions différentes de celles qui dominaient, dans un dédain, dans une aversion illégitime ; aversion qui l’a conduit à l’erreur et à la tyrannie. La part d’erreur et de tyrannie en effet qui s’est mêlée au triomphe de la raison humaine à la fin du siècle, part si grande, on ne peut le dissimuler, et il faut le proclamer au lieu de le taire, cette part d’erreur et de tyrannie, dis-je, a été surtout le résultat de l’égarement où l’esprit de l’homme a été jeté à cette époque par l’étendue de son pouvoir. C’est le devoir, et ce sera, je crois, le mérite particulier de notre temps, de reconnaître que tout pouvoir qu’il soit intellectuel ou temporel, qu’il appartienne à des gouvernements ou à des peuples, à des philosophes ou à des ministres, qu’il s’exerce dans une cause ou dans une autre, que tout pouvoir humain, dis-je, porte en lui-même un vice naturel, un principe de faiblesse et d’abus qui doit lui faire assigner une limite. Or, il n’y a que la liberté générale de tous les droits, de tous les intérêts, de toutes les opinions, la libre manifestation