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exercé dans un champ limité, spécial ; il avait eu pour objet tantôt les questions religieuses, quelquefois les questions religieuses et les questions politiques ensemble ; mais ses prétentions ne s’étendaient pas à tout. Dans le dix-huitième siècle au contraire, le caractère du libre examen, c’est l’universalité ; la religion, la politique, la pure philosophie, l’homme et la société, la nature morale et matérielle, tout devient à la fois un sujet d’étude, de doute, de système ; les anciennes sciences sont bouleversées ; des sciences nouvelles s’élèvent. C’est un mouvement qui se porte en tous sens, quoique émané d’une seule et même impulsion.

Ce mouvement a de plus un caractère singulier et qui ne s’est peut-être pas rencontré une seconde fois dans l’histoire du monde, c’est d’être purement spéculatif. Jusque là dans toutes les grandes révolutions humaines, l’action s’était promptement mêlée à la spéculation. Ainsi, au seizième siècle, la révolution religieuse avait commencé par des idées, par des discussions purement intellectuelles ; mais elle avait presque aussitôt abouti à des événements. Les chefs des partis intellectuels étaient très promptement devenus des chefs de partis politiques : les réalités de la vie s’étaient mêlées aux travaux de l’intelligence. Il en était arrivé ainsi au dix-septième siècle dans la révolution d’Angleterre. En France, au dix-huitième siècle, vous voyez l’esprit humain s’exercer sur toutes choses, sur les idées qui se rattachant aux intérêts réels de la vie, devaient avoir sur les faits la plus prompte et la plus puissante influence. Et cependant les meneurs, les acteurs de ces grands débats restent