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plupart des autres États. Par les mêmes causes, le bon sens national, l’intelligence des affaires publiques ont dû s’y former plus vite ; le bon sens politique consiste à savoir tenir compte de tous les faits, les apprécier et faire à chacun sa part ; il a été en Angleterre une nécessité de l’état social, un résultat naturel du cours de la civilisation.

Dans les États du continent, en revanche, chaque système, chaque principe ayant eu son tour, ayant dominé d’une façon plus complète, plus exclusive, le développement s’est fait sur une plus grande échelle, avec plus de grandeur et d’éclat. La royauté et l’aristocratie féodale, par exemple, se sont produites sur la scène continentale avec bien plus de hardiesse, d’étendue, de liberté. Toutes les expériences politiques, pour ainsi dire, ont été plus larges et plus achevées. Il en est résulté que les idées politiques, je parle des idées générales, et non du bon sens appliqué à la conduite des affaires ; que les idées, dis-je, les doctrines politiques se sont élevées bien plus haut et déployées avec bien plus de vigueur rationnelle. Chaque système s’étant en quelque sorte présenté seul, étant resté longtemps sur la scène, on a pu le considérer dans son ensemble, remonter à ses premiers principes, descendre à ses dernières conséquences, en démêler pleinement la théorie. Quiconque observera un peu attentivement le génie anglais sera frappé d’un double fait : d’une part, de la sûreté du bon sens, de l’habileté pratique ; d’autre part, de l’absence d’idées générales et de hauteur d’esprit dans les questions théoriques. Soit qu’on ouvre un ouvrage anglais d’histoire, ou de jurisprudence,