Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

aussi obscurs qu’auparavant, mais l’imagination remplie de ce qu’ils avaient vu, le racontant à leur famille, l’exagérant sans doute, mais laissant autour d’eux, au milieu de fables ridicules, des souvenirs utiles et des traditions capables de fructifier. Ainsi furent déposées en Allemagne, en Italie, en France, dans les monastères, chez les seigneurs et jusque dans les derniers rangs de la société, des semences précieuses destinées à germer un peu plus tard. Tous ces voyageurs ignorés, portant les arts de leur patrie dans les contrées lointaines, en rapportaient d’autres connaissances non moins précieuses, et faisaient, sans s’en apercevoir, des échanges plus avantageux que tous ceux du commerce. Par là, non seulement le trafic des soieries, des porcelaines, des denrées de l’Indoustan, s’étendait et devenait plus praticable ; il s’ouvrait de nouvelles routes à l’industrie et à l’activité commerciale mais, ce qui valait mieux encore, des mœurs étrangères, des nations inconnues, des productions extraordinaires venaient s’offrir en foule à l’esprit des Européens, resserré, depuis la chute de l’Empire romain, dans un cercle trop étroit. On commença à compter pour quelque chose la plus belle, la plus peuplée et la plus anciennement civilisée des quatre parties du monde. On songea à étudier les arts, les croyances, les idiomes des peuples qui l’habitaient, et il fut même question d’établir une chaire de langue tartare dans l’université de Paris. Des relations romanesques, bientôt discutées et approfondies, répandirent de toutes parts des notions plus justes et plus variées. Le monde semble s’ouvrir du côté de l’Orient ;