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de tous ses éléments, la société tout entière a été transformée.

Je voudrais démêler clairement le caractère général essentiel de cette transformation.

Du cinquième au douzième siècle, la société contenait tout ce que j’y ai trouvé et décrit, des rois, une aristocratie laïque, un clergé, des bourgeois, des colons, les pouvoirs religieux, civil, les germes en un mot de tout ce qui fait une nation et un gouvernement, et pourtant point de gouvernement, point de nation. Un peuple proprement dit, un gouvernement véritable dans le sens qu’ont aujourd’hui ces mots pour nous, il n’y a rien de semblable dans toute l’époque dont nous nous sommes occupés. Nous avons rencontré une multitude de forces particulières, de faits spéciaux, d’institutions locales ; mais rien de général, rien de public, point de politique proprement dite, point de vraie nationalité.

Regardons au contraire l’Europe au dix-septième et au dix-huitième siècle ; nous voyons partout se produire sur la scène du monde deux grandes figures, le gouvernement et le peuple. L’action d’un pouvoir général sur le pays tout entier, l’influence du pays sur le pouvoir qui le gouverne, c’est là la société, c’est là l’histoire : les rapports de ces deux grandes forces, leur alliance ou leur lutte, voilà ce qu’elle trouve, ce qu’elle raconte. La noblesse, le clergé, les bourgeois, toutes ces classes, toutes ces forces particulières ne paraissent plus qu’en seconde ligne, presque comme des ombres, effacées par ces deux grands corps, le peuple et son gouvernement.

C’est là, Messieurs, si je ne m’abuse, le trait essentiel