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sentie. Occupée de se réformer elle-même, l’Église n’en prit pas moins l’alarme ; elle déclara sur le champ la guerre à ces réformateurs nouveaux, dont les méthodes la menaçaient bien plus que leurs doctrines. C’est là le grand fait qui éclate à la fin du onzième et au commencement du douzième siècle, au moment où l’Église se présente à l’état théocratique et monastique. Pour la première fois, à cette époque, une lutte sérieuse s’est engagée entre le clergé et les libres penseurs. Les querelles d’Abailard et de saint Bernard, les conciles de Soissons et de Sens, où Abailard fut condamné, ne sont pas autre chose que l’expression de ce fait, qui a tenu dans l’histoire de la civilisation moderne une si grande place. C’est la principale circonstance de l’état de l’Église au douzième siècle, au point où nous la laisserons aujourd’hui

Au même moment, Messieurs, se produisait un mouvement d’une autre nature, le mouvement d’affranchissement des communes. Singulière inconséquence des mœurs ignorantes et grossières ! Si on eût dit à ces bourgeois qui conquéraient avec passion leur liberté, qu’il y avait des hommes qui réclamaient le droit de la raison humaine, le droit d’examen, des hommes que l’Église traitait d’hérétiques, ils les auraient lapidés ou brûlés à l’instant. Plus d’une fois Abailard et ses amis coururent ce péril. D’un autre côté, ces mêmes écrivains, qui réclamaient le droit de la raison humaine, parlaient des efforts d’affranchissement des communes comme d’un désordre abominable, du renversement de la société. Entre le mouvement philosophique et le mouvement com-