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moral que lui-même, sa volonté, sa liberté. Quand elles agissent par des moyens extérieurs, par la force, la séduction, par des moyens, en un mot, étrangers au libre concours de l’homme, elles le traitent comme on traite l’eau, le vent, comme une force toute matérielle ; elles ne vont point à leur but ; elles n’atteignent et ne gouvernent point la volonté. Pour que les religions accomplissent réellement leur tâche, il faut que l’homme se soumette, mais volontairement, librement, et qu’il conserve sa liberté au sein de sa soumission. C’est là le double problème que les religions, sont appelées à résoudre.

Elles l’ont trop souvent méconnu ; elles ont considéré la liberté comme obstacle et non comme moyen ; elles ont oublié la nature de la force à laquelle elles s’adressaient, et se sont conduites avec l’âme humaine comme avec une force matérielle. C’est par suite de cette erreur qu’elles ont été amenées à se ranger presque toujours du côté du pouvoir, du despotisme ; contre la liberté humaine, la considérant uniquement comme un adversaire, et s’inquiétant beaucoup plus de la dompter que de la garantir. Si les religions s’étaient bien rendu compte de leurs moyens d’action, si elles ne s’étaient pas laissé entraîner à une pente naturelle, mais trompeuse, elles auraient vu qu’il faut garantir la liberté pour la régler moralement, que la religion ne peut, ne doit agir que par des moyens moraux ; elles auraient respecté la volonté de l’homme en s’appliquant à la gouverner. Elles l’ont trop oublié, et le pouvoir religieux a fini par en souffrir lui-même aussi bien que la liberté. (Applaudissements.)