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dans l’Église chrétienne du cinquième au douzième siècle : le peuple chrétien manquait, il est vrai, d’action légale ; mais il y avait un grand mouvement d’esprit en matière religieuse ; ce mouvement emportait les laïques et les ecclésiastiques ensemble, et par là le peuple agissait sur le clergé.

En tout, Messieurs, dans l’étude de l’histoire, il faut tenir grand compte des influences indirectes ; elles sont beaucoup plus efficaces et quelquefois plus salutaires qu’on ne se le figure communément. Il est naturel aux hommes de vouloir que leur action soit prompte, apparente, d’aspirer au plaisir d’assister à leur succès, à leur pouvoir, à leur triomphe. Cela n’est pas toujours possible, ni même toujours utile. Il y a des temps, des situations où les influences indirectes, inaperçues, sont seules bonnes et praticables. Je prendrai encore un exemple dans l’ordre politique : plus d’une fois, notamment en 1641, le parlement d’Angleterre a réclamé, comme beaucoup d’autres assemblées dans des crises analogues, le droit de nommer directement les grands officiers de la couronne, les ministres, les conseillers d’État, etc. ; il regardait cette action directe dans le gouvernement comme une immense et précieuse garantie. Il l’a quelquefois exercée, et l’épreuve a toujours mal réussi. Les choix étaient mal concertés, les affaires mal gouvernées. Qu’arrive-t-il pourtant aujourd’hui en Angleterre ? N’est-ce pas l’influence des chambres qui décide de la formation du ministère, de la nomination de tous les grands officiers de la couronne ? Oui ; mais c’est une influence indirecte, générale, au lieu d’une intervention spéciale. L’effet