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de l’Église à faire de l’indépendance spirituelle un moyen de domination universelle.

Ce résultat a éclaté dans des faits que personne n’ignore : dans la querelle des investitures ; dans la lutte du sacerdoce et de l’empire. Les diverses situations des chefs de l’Église et la difficulté de les concilier ont été la vraie source de l’incertitude et du combat de toutes ces prétentions.

Enfin, l’Église avait avec les souverains un troisième rapport, pour elle le moins favorable et le plus funeste. Elle prétendait à la coaction, au droit de contraindre et de punir l’hérésie ; mais elle n’avait aucun moyen de le faire ; elle ne disposait d’aucune force matérielle ; quand elle avait condamné l’hérétique, elle n’avait rien pour faire exécuter son jugement. Que faisait-elle ? Elle invoquait ce qu’on a appelé le bras séculier ; elle empruntait la force du pouvoir civil comme moyen de coaction. Elle se mettait par là, vis-à-vis du pouvoir civil, dans une situation de dépendance et d’infériorité. Nécessité déplorable où l’a conduite l’adoption du mauvais principe de la coaction et de la persécution.

Je m’arrête, Messieurs : l’heure est trop avancée pour que j’épuise aujourd’hui la question de l’Église. Il me reste à vous faire connaître ses rapports avec les peuples, quels principes y présidaient, quelles conséquences en devaient résulter pour la civilisation générale. J’essaierai ensuite de confirmer par l’histoire, par les faits, par les vicissitudes de la destinée de l’Église, du cinquième au douzième siècle, les inductions que nous tirons ici de la nature même de ses institutions et de ses principes.


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