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société, et l’y constituer sous la forme de gouvernement central. Le système fédératif, logiquement le plus simple, est en fait le plus complexe ; pour concilier le degré d’indépendance, de liberté locale qu’il laisse subsister, avec le degré d’ordre général, de soumission générale qu’il exige et suppose dans certains cas, il faut évidemment une civilisation très avancée : il faut que la volonté de l’homme, la liberté individuelle concoure à l’établissement et au maintien du système, bien plus que dans aucun autre, car les moyens coercitifs y sont bien moindres que partout ailleurs.

Le système fédératif est donc celui qui exige évidemment le plus grand développement de raison, de moralité, de civilisation, dans la société à laquelle il s’applique. Eh bien ! c’était cependant ce système que le régime féodal essayait d’établir ; la féodalité générale était une véritable fédération. Elle reposait sur les mêmes principes qui fondent aujourd’hui, par exemple, la fédération des États-Unis d’Amérique. Elle prétendait laisser, entre les mains de chaque seigneur, toute la portion de gouvernement, de souveraineté qui pouvait y rester, et ne porter au suzerain ou à l’assemblée générale des barons, que la moindre portion possible de pouvoir et uniquement dans les cas où cela était absolument nécessaire. Vous comprenez l’impossibilité d’établir un système pareil au milieu de l’ignorance, des passions brutales, en un mot, de l’état moral si imparfait de l’homme sous la féodalité. La nature même du gouvernement était en contradiction avec les mœurs des hommes mêmes auxquels on voulait l’appliquer.